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Pamphlets


Peur vache

La vache, la vache !

Inquiétant sujet d'actualité qui occupe l'avant scène d'une information aussi impartiale qu'un juge corrompu, l'effrayante maladie de la vache folle défraye la chronique par l'angoisse qu'elle apporte au menu du repas de milliers de ménages français. Après avoir servi l'énième mariage de Johnny, qui ressemble à un mauvais plat réchauffé qu'on devrait avoir jeté depuis longtemps, c'est une menace de mort incertaine que l'on envoie à l'opinion publique. Comme une grosse claque après un repas bercé au son de lointaines fusillades et coloré d'un sang très opportun pour ouvrir l'appétit, les ménages français viennent d'être alertés d'un danger terrible : leur inestimable pause "repas / journal télévisé " contenait peut-être un poison insidieux. Les estomacs ont manqué de se retourner, ces derniers jours, en apprenant que des étrangers vendaient de la viande empoisonnée sans être inquiétés des résultats.
" Votre pause du soir était frelatée, mes amis français ! ", dit un journaliste sur un ton faussement inquiet. " La viande de vache menace votre santé ".
La pause dîner de 20h00 est certes en danger, mais depuis plus longtemps qu'on ne pourrait le penser et le défaut ne vient pas du plateau repas. Mais l'opinion publique n'en sait rien. Le mot est lâché : l'opinion publique.
L'expression a de quoi faire rire, mais elle tombe toujours comme une constatation des plus sérieuses. Un journaliste, au milieu d'un troupeau de vaches, débite une prose qui sent l'aspartam. Son discours est comme du faux sucre : ça a le goût du sucre, ça s'utilise comme le sucre, mais ça n'a rien de commun avec le sucre, c'est juste un produit de consommation. Depuis quelques soirées, ce journaliste, qui semble se plaire au milieu de bovins au regard presque aussi vide que le sien, nous sert un succédané d'information. On pourrait presque sentir la même nostalgie dans l'oeil de l'envoyé spécial que celle qu'on devine dans l'oeil d'une brave vache qui regarde passer le train en pensant qu'elle ne pourra jamais y monter. Vache de vie !


Depuis quelques jours, donc, certains français sont devenus végétariens ou accommodent le poisson à toutes les sauces, et le brave journaliste qui entretient l'angoisse laisse toujours son public dans le doute : La France a-t-elle vraiment de quoi s'inquiéter au sujet de sa pause de 20h00 ? Rien ne le prouve, mais tout nous laisse dans l'expectative contraire.
Si, d'aventure, je me trouve face à l'écran, vers 20h00, attaquant un steak saignant pendant qu'un journaliste au regard bovin essaie d'effrayer les amateurs de vache, je ris intérieurement et mon estomac m'accompagne de bon coeur. Si j'ai tort, je pourrais en mourir. Mais, d'ici là, la presse me donnera encore bien des occasions de mourir de rire.
Attention mesdames et messieurs, le show de 20h00 va commencer ! Dans un instant, après une mémorable publicité pour un steak incroyablement tendre et appétissant, un bouffon, au milieu d'un tas de bovins apathiques, va tenter de vous faire rire en vous montrant que l'opinion publique pense par elle-même !
A quand le gros nez rouge et la perruque qui saute ?



© LAFFREUX 1996


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