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Prose


Mon cinquième de siècle

Un anniversaire en solitaire

Ca y est ! J'ai atteint l'âge dont on a coutume de dire qu'on ne l'a qu'une fois ! J'ai 20 ans ! Et alors ? Alors rien, j'ai 20 ans, c'est tout.
Pourquoi attache-t-on tant d'importance à ce moment précis de notre vie ? Peut-être est-ce là le faîte de notre jeunesse. Si c'est le cas, après le sommet, il y a la pente, donc après la jeunesse, il y a (je vous le donne en mille) la vieillesse. Si, à l'heure actuelle, je suis au sommet, la prochaine fois, j'emprunterai le chemin descendant. N'y pensons plus : tout vient à point à qui sait attendre. Pas d'empressement inconsidéré, vivons bien, vivons aujourd'hui. Demain, on pourra parler du lendemain (d'après demain quoi...). J'ai donc 20 ans et l'on se doit de marquer le coup, comme on fête la mise à l'eau d'un nouveau voilier. Par contre, on ne va pas me balancer une bouteille dans la tête et c'est heureux car je déteste l'alcool sous toutes ses formes, surtout quand il fait mal à la tête. La question qu'on est en droit de se poser en cette occasion est la suivante : "quel effet cela fait-il d'avoir enfin 20 ans ?". En fait, pas grand chose, voire trois fois rien. Mais trois fois rien, c'est moins que rien ou un peu plus que rien ? Je dirai que c'est plus que rien car c'est rien multiplié par trois, alors que moins que rien s'obtient en retranchant rien de rien. Finalement cette histoire de 20 ans ne me fait ni chaud ni froid : rien de rien. Je sais, ça peut paraître bizarre ou anormal. C'est que je suis peut-être bizarre ou anormal, voire anormalement bizarre et peut-être même bizarrement anormal. Mais est-il anormal d'être bizarre ou anormal ? C'est peut-être bizarre, mais je ne pense pas que ce soit anormal. II serait donc normal de considérer que trouver anormal d'être bizarre est anormal (ou bizarre, ça dépend des gens). Si vous avez du mal à suivre, c'est normal, ne vous inquiétez pas.
Je n'avais rien demandé et paf ! Ma vingtième année me tombe dessus à bras raccourcis. Enfin, pas tout à fait, une année, ça n'a pas de bras. Elle m'est plutôt arrivée dessus inopinément, par surprise. Pourtant je l'attendais ! Mais c'est sournois une année : vous oubliez qu'elle vous guette, tapie dans l'ombre, et bing !
Vous la prenez de plein fouet sur le carrefour surpeuplé de la vie. Elle vous attendait au coin, pour vous rentrer dedans. C'est pour ça que certains anniversaires sont douloureux, quand la collision à l'intersection a été violente. C'est ce qu'on appelle prendre un coup de vieux, ça fait plus ou moins mal selon les années. La mienne doit être superficielle, je ne l'ai pas sentie. Elle était trop légère. II faut faire attention aux années qui vous guettent au coin de la rue, parfois, elles ne sont pas à vous. Vous êtes un peu inattentif, et paf ! Elle vous rentre dedans. C'est comme ça qu'on fait plus que son âge. II y en a qui sont malins : ils se promènent toujours accompagnés et ils s'arrangent pour que ce soit l'autre qui se prenne l'année du coin de la rue. C'est pour cette raison qu'ils ne font pas leur âge. On m'a souvent dit que je ne faisais pas mon âge, c'est sans doute parce que je me promène rarement dans les rues où il y des coins, ça m'évite de tomber nez à nez avec une année inopinée.



© LAFFREUX 1996


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