Aller au contenu | Aller au titre | Commentaires

Prose


Handicap

La feuille blanche

Ecrire à tout prix, y mettre les formes, y mettre la forme qui fait ma signature, vider ce sac de mots entassés qui est rempli, presque trop, par ce qui se passe partout, n'importe ou. Mots si nombreux, idées si fugitives qu'il faut accélérer la rédaction pour ne pas perdre le fil d'un raisonnement, d'une idée qui vient de moi sans vraiment être la mienne. Toujours plus vite, les lettres vont se mélanger, surtout, ne pas ralentir. Les lignes se succèdent, la satisfaction augmente à mesure que l'inspiration se retrouve figée sur le papier. Fugitif instant de plaisir, à jamais immortalisé par cette main si lente et si maladroite. Le sac était plein, la fermeture a sauté et les phrases se sont répandues dans le désordre. Le rangement doit être fait au plus vite avant que le temps, dans son habit de balayeur, ne vienne faire place nette. Un titre sans suite, une idée sans exemple, une exaspération soudaine, un rien suffit pour gonfler davantage le sac et le faire éclater. Les mots sont enfin là, après une longue attente ils se sont enfin éparpillés. Vite les attraper du bout des doigts pour les emprisonner entre les lignes. Formules ironiques, impression d'un ton changeant, signature évidente, tout est là pour que le nouveau venu soit l'égal de ses prédécesseurs sans pouvoir y être comparé. Enfin, trouver les derniers mots, ceux qui font que l'on n'attend plus rien après le point final, la formule magique qui donne le sentiment d'avoir ingurgité assez de phrases, la fin qui fait qu'on ne reste pas sur sa faim. Pour que commencer et finir soient un même plaisir, pour pouvoir enfin se relire et décider finalement si le nouveau-né n'est pas un prématuré.



© LAFFREUX 1996


COMMENTAIRES Commentaires
sceau
Compteur

Valid XHTML 1.0 Strict